Jean-Philippe Croteau
Résumé :Pendant longtemps,les Canadiens fran?ais,partout au pays,se sont définis comme une communauté de mémoire,d’histoire,de culture,voire même de destin.Or,à partir des années 1960,d’importantes transformations socioéconomiques amènent les francophones à adopter davantage des identités provinciales.De nombreux sociologues et historiens en ont conclu à la disparition d’une mémoire commune à tous les Canadiens fran?ais.Notre équipe de recherche a visité treize écoles de langue fran?aise dans les provinces du Québec et de l’Ontario en 2016 pour demander à plus de 600 étudiants de rédiger un texte sur l’histoire des francophones au pays afin de sonder leurs représentations du passé.Il ressort de cette étude que la plupart des étudiants partagent une vision commune de leur passé fondée sur l’attachement à leurs origines fran?aises,les luttes pour la survie du fait fran?ais en Amérique,ainsi qu’un sens de fragilité et d’inachèvement à l’égard de l’avenir de leur culture.
Mots clés :Québec ; Ontario ; Conscience historique ; éducation ; Identité
Abstract:For a long time,French Canadians across the country defined themselves as a community of memory,history,culture,and even destiny.However,from the 1960’s,major socioeconomic transformations led Francophones to adopt more provincial identities.Many sociologistes and historians have concluded that a memory shared by all French Canadians has disappeared.Our research team visited thirteen French-language schools in the provinces of Quebec and Ontario in 2016 to ask more than 600 students to write a text on the history of Francophones in the country in order to probe their representations of the past.It emerges from this study that most students share a common vision of their past based on attachement to their French origins,the struggles for the survival of the French fact in America,as well as a sense of fragility and incompleteness toward the future of their culture.
Key words:Quebec; Ontario; Historical consciousness; Education; Identity
Dans toute société,l’histoire nationale est un puissant catalyseur pour forger une vision du passé et stimuler un sentiment d’appartenance identitaire à une communauté de mémoire.Depuis plus de deux siècles,l’importance accordée à l’enseignement de l’histoire chez les francophones du Canada s’inscrit dans ce désir profond de vouloir transmettre et partager aux jeunes générations cette vision de la communauté nationale ancrée dans la durée historique.
La présence des francophones au Canada est fort ancienne.Arrivés de France au 17esiècle,leurs ancêtres se sont établis principalement dans la vallée du Saint-Laurent où ils représentent aujourd’hui la majorité de la population de la province du Québec,la seule des dix provinces majoritairement francophone au Canada.Après la conquête anglaise en 1763,les francophones du Canada sont devenus graduellement minoritaires face à une majorité anglophone.à partir de la deuxième moitié du 19esiècle,nombreux sont les francophones qui quittent la vallée du Saint-Laurent pour s’installer dans la province voisine de l’Ontario et dans les Prairies canadiennes,à la recherche de terres à cultiver et de meilleures perspectives d’emploi dans les villes,ainsi que dans l’industrie minière et forestière.Aujourd’hui,les francophones représentent près du quart de la population canadienne et environ quatre-vingt pour cent de la population au Québec.Un million de francophones résident à l’extérieur du Québec contre un peu moins de sept millions dans cette province①M(fèi)arcel Martel.Le Canada fran?ais:récit de sa formulation et de son éclatement,1850-1967.Ottawa:La Société historique du Canada,collection:les groupes ethniques du Canada,Brochure no.24,1998,p.35 ; Yves Frenette.Brève histoire des Canadiens fran?ais,avec la collaboration de Martin Paquet.Montréal:Boréal,1998,p.210 ; Michel Bock.?Se souvenir et oublier:la mémoire du Canada fran?ais,hier et aujourd’hui?,dans Joseph-Yvon Thériault,Anne Gilbert et Linda Cardinal (dir.).L’espace francophone en milieu minoritaire au Canada,Nouveaux enjeux,nouvelles mobilisations.Montréal:éditions Fides,2008,p.161-203 ; Martin E.Meunier et Joseph-Yvon Thériault.?Que reste-t-il de l’intention vitale du Canada fran?ais ??,dans Joseph-Yvon Thériault,Anne Gilbert et Linda Cardinal (dir.).L’espace francophone en milieu minoritaire au Canada,Nouveaux enjeux,nouvelles mobilisations.Montréal:Fides,2008,p.205-240..
à partir du milieu du 19esiècle,les élites culturelles,sociales et religieuses francophones élaborent une conception de la nation qui con?oit les Canadiens fran?ais comme une communauté de mémoire,d’histoire et de culture.Cette communauté n’occupe pas un territoire défini.Au contraire,ce nouveau nationalisme entrevoit pour les Canadiens fran?ais la mission providentielle de propager la civilisation catholique et fran?aise en Amérique en se déployant dans l’ancien territoire de la Nouvelle-France et en constituant son prolongement②Michel Bock.?Le sort de la mémoire dans la construction historique de l’identité franco-ontarienne?.Francophonies d’Amérique,n°18,2004,p.121..Le réseau d’institutions religieuses,sociales et éducatives implanté dans toutes les communautés francophones par l’église catholique permet à celles-ci de partager une même appartenance à un héritage culturel,religieux et mémoriel.
Toutefois,dans l’Après-guerre,les liens de solidarité se brisent entre les francophones du Québec et ceux vivant ailleurs au pays sous l’effet de l’urbanisation,du déclin de la pratique religieuse et de l’émergence de l’état-providence qui a remplacé l’église catholique dans les champs culturel,social et éducatif.Les francophones vivant au Québec se sont définis peu à peu comme une nation majoritaire qui possède son propre état-le gouvernement provincial-for?ant les minorités francophones ailleurs au pays à s’identifier davantage à leur province.Un divorce vécu douloureusement par ces dernières qui ont eu le sentiment d’être abandonnées par le Québec.
Dans les années 1960 et 1970,les minorités francophones prennent avantage des politiques de bilinguisme nouvellement instaurées par le gouvernement canadien et de la reconnaissance en 1982 par la constitution de leurs droits scolaires pour renforcer cette nouvelle identité francophone et provinciale et marquer leur différence avec les Québécois③Au sujet des aménagements linguistiques au Québec et au Canada,voir Marcel Martel et Martin Paquet.Langue et politique au Canada et au Québec:une synthèse historique.Montréal:Boréal,2010,p.335..Enfin,après des décennies de revendications,les francophones hors Québec obtiennent la pleine autonomie dans les années 1990 pour gérer et administrer leurs écoles de langue fran?aise longtemps interdites ou à peine tolérées par la majorité anglophone.Celles-ci joueront un r?le essentiel dans la construction et la consolidation des identités francophones auprès des jeunes générations surtout grace aux programmes d’études qui accordent une part importante à l’histoire des communautés francophones dans chacune des provinces canadiennes④Au sujet du développement récent d’un système scolaire de langue fran?aise à l’extérieur du Québec,voir Michael D.Behiels.Canada’s Francophone Minority Communities,Constitutional Renewal and the Winning of School Governance.Montréal et Kingston:McGill-Queen’s University Press,2004,p.438..
Aujourd’hui,que reste-t-il de cette conscience historique qu’ont partagée entre eux les francophones du pays pendant plus de deux siècles ? Comment les francophones des provinces du Québec et du reste du pays racontent-ils leur histoire ? Possèdent-ils encore un patrimoine historique commun ? Comment leur relation au passé contribue-t-elle à forger une conscience historique et participe-t-elle à la construction de leur identité ?
Peu de données empiriques sont disponibles à ce sujet⑤Marie Lefebvre.?Entre racines et mouvement:l’identité dans la francophonie canadienne?.Territoires francophones,études géographiques sur la vitalité des communautés francophones du Canada,sous la direction d’Anne Gilbert,Sillery,Septentrion,2010,p.122-124.Voir dans le cas spécifique de la province de l’Ontario,Julie Boissonneault.?Bilingue/francophone,Franco-Ontarien/Canadien fran?ais:choix des marques d’identification chez les étudiants francophones?.Revue du Nouvel-Ontario,n°20,1996,p.173-192 ; Julie Boissonneault.?Se dire…mais comment et pourquoi ? Réflexions sur les marqueurs d’identité en Ontario fran?ais?.Francophonies d’Amérique,2004,vol.18,p.163-169 ; Beno?t Cazabon.?Des marqueurs linguistiques de l’identité culturelle?.Revue du Nouvel-Ontario,n°20,1996,p.217-256..C’est pour répondre à ces questions que notre groupe de chercheurs a choisi de mener un projet de recherche sur la conscience historique des francophones au pays⑥Le groupe de recherche rassemble Stéphane Lévesque,chercheur principal et vice-recteur à la recherche,l’enseignement et à la création à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC),Jean-Philippe Croteau,ma?tre de conférences à l’Université du Sichuan,Anne Gilbert,du département de géographie de l’Université d’Ottawa et directrice du Centre de recherche en civilisation canadienne-fran?aise (CRCCF) et Jocelyn Létourneau,du département des sciences historiques de l’Université Laval et titulaire de la chaire de recherche du Canada en histoire et économique politique du Québec contemporain..L’école constitue un lieu d’enquête privilégié.En effet,l’école participe activement à la transmission de la mémoire et de la formation d’une identité collective.Ainsi,c’est par ce mécanisme de (re) production culturelle sociale que les communautés francophones du Canada ont su se penser et se perpétuer dans le temps.
La conscience historique des jeunes francophones d’aujourd’hui ne nous appara?t pas en rupture avec le passé.Cette recherche tente de montrer que cette conscience historique que partagent les francophones entre eux comporte au contraire une continuité,malgré d’importantes mutations depuis les dernières décennies,avec le Canada fran?ais qui a représenté entre le milieu du 19esiècle et jusqu’à la fin des années 1960 à la fois un imaginaire national,un projet politique mobilisateur et une réalité sociale.Le Canada fran?ais a été la référence majeure autour de laquelle se sont articulées les différentes collectivités francophones qui se sont répandues à travers l’Ontario,les provinces canadiennes de l’Ouest,la Nouvelle-Angleterre et même le Midwest américain et la Californie⑦Pour une synthèse de l’histoire du Canada fran?ais,voir Marcel Martel.Le Canada fran?ais:récit de sa formulation et de son éclatement,1850-1967.Ottawa:La Société historique du Canada,collection:les groupes ethniques du Canada.Brochure no.24,1998,p.35.Au sujet de l’éclatement du Canada fran?ais,voir Marcel Martel.Le deuil d’un pays imaginê:Rêves,lutte et déroute du Canada fran?ais,Les rapports entre le Québec et la francophonie canadienne (1867-1975).Ottawa:Presses de l’Université d’Ottawa,1997,p.203..
Le Canada fran?ais a été d’abord un imaginaire pour les différentes communautés francophones.Sa mémoire collective s’enracinait dans un passé épique qui glorifiait l’aventure fran?aise en Amérique pendant la période coloniale avec ses explorateurs,ses missionnaires et ses héros militaires et exaltait une mission civilisatrice fran?aise et catholique sur un continent protestant et anglo-saxon.
Cette ?inscription? dans l’histoire s’est incarnée dans un projet politique mobilisateur fondé sur la notion de dualité culturelle destinée à faire reconna?tre l’égalité entre les deux peuples fondateurs-les francophones et les anglophones-comme un principe politique et constitutionnel.Ce principe de dualité culturelle devait être consacré au sein des parlements,des tribunaux et du système scolaire en reconnaissant l’égalité du fran?ais et de l’anglais afin d’assurer la protection des droits jugés inaliénables des francophones au pays.
Un principe qui n’a pas toujours été reconnu par la majorité anglophone engendrant des conflits importants pour le droit à une éducation de langue fran?aise à l’extérieur du Québec.Ces conflits scolaires marqueront l’imaginaire et l’identité des collectivités francophones et seront parfois même érigés en mythes fondateurs.à ce titre,la province de l’Ontario constituera un théatre important d’affrontements entre la majorité anglophone et la minorité francophone notamment avec la crise du Règlement 17⑧En 1912,le ministère de l’éducation de l’Ontario adopte un nouveau règlement qui interdit l’enseignement du fran?ais dans ses écoles.Ce nouveau règlement provoque la mobilisation populaire des francophones contre le gouvernement menant à un conflit qui dure jusqu’à l’abandon de sa politique une quinzaine d’années plus tard.Il serait trop long d’énumérer toutes les études sur la crise du Règlement 17.Nous suggérons ces deux titres aux lecteurs:Robert Choquette.Langue et Religion:histoire des conflits anglo-fran?ais en Ontario.Ottawa:éditions de l’Université d’Ottawa,1977,p.268 ; Michel Bock et Fran?ois Charbonneau.Le siècle du Règlement 17,Regards sur une crise scolaire et nationale.Sudbury:éditions Prise de parole,2015,p.460.,puis de l’H?pital Montfort⑨Plus récemment,en 1997,le gouvernement conservateur de l’Ontario a tenté de fermer le seul h?pital francophone à l’Ouest du Québec dans la foulée de politiques d’austérité provoquant une vague d’indignation chez les francophones qui ont porté leur cause devant les tribunaux.Le jugement de la Cour supérieure de l’Ontario a renversé la décision du gouvernement affirmant le droit de la minorité francophone à ses institutions.Voir Michel Gratton.Montfort,la lutte d’un peuple.Ottawa:Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques,2003,p.805 ; Michel Gratton.Gisèle Lalonde,Grande dame de l’Ontario fran?ais.Ottawa:Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques,2003,p.85 ; Gisèle Lalonde.Jusqu’au bout !,préface de Yolande Grisé.Ottawa:Le Nordir,2003,p.340..Ces deux conflits sont devenus emblématiques dans l’imaginaire populaire des francophones de l’Ontario de leur combat pour la survie culturelle.
Enfin,le Canada fran?ais s’est appuyé aussi sur un réseau institutionnel très diversifié,centré sur la paroisse et l’école,c?ur de la vie fran?aise et catholique.Organisé par le clergé catholique et les élites culturelles canadiennes-fran?aises,ce réseau institutionnel avait pour fonction d’absorber le choc que constituait pour les familles du Québec l’arrivée dans un milieu complètement anglophone en leur rappelant un univers familier.Il avait pour but aussi de cimenter les communautés d’expression fran?aise à une même culture et société d’appartenance et de maintenir les réseaux de solidarité et d’entraide.Le principal succès de ce réseau institutionnel est d’avoir réussi à créer un espace autonome permettant aux minorités canadiennes-fran?aises de se passer jusqu’à une certaine mesure des institutions de la majorité et d’éviter l’assimilation.
Pour mesurer et comparer la conscience historique des francophones à travers le Canada,le concept de?conscience historique? nous appara?t un outil d’analyse et d’interprétation privilégié.La conscience historique a été définie par les chercheurs essentiellement comme la vision de l’histoire que se forgent des individus qui leur permet d’interroger et de mobiliser le passé pour obtenir une meilleure compréhension du présent et de constituer un horizon d’attente pour l’avenir.Elle participe aussi à la construction identitaire des individus en développant un sentiment d’appartenance à un groupe et en situant ceux-ci dans un champ spatio-temporel.Enfin,elle organise sous forme narrative à travers des évènements,des lieux et des personnages un espace partagé et partageable de l’expérience historique qui donne un sens aux expériences de vie.Il est toutefois important de faire la différence avec la mémoire historique qui est constituée d’idées,de représentations,de moments forts et de mythes retenus par l’individu ou la collectivité sur le passé et qui sert à la construction de la conscience historique⑩Nicole Tutiaux-Guillon et Didier Nourrisson (dir.).Identités,mémoires,conscience historique.Saint-étienne:Presses de l’Université de Saint-étienne,2003,p.220 ; Peter Seixas (dir.).Theorizinghistoricalconsciousness.Toronto:University of Toronto Press,2004,p.255 ; J?rn Rüsen.History:Narration,interpretation,orientation.New York:Berghahn Book,2005,p.236..
Pour mesurer le r?le de la conscience historique dans la construction identitaire des jeunes francophones,nous avons eu recours au récit narratif.Il constitue une méthode éprouvée dans des travaux de recherche précédents pour analyser la conscience historique chez les jeunes adolescents.Il permet,entre autres,la construction personnelle de sens de l’élève à partir d’une vision temporelle et de l’histoire qu’il puise dans un ensemble d’apprentissages,de savoir et d’expériences.Il nous renseigne aussi sur les processus de construction de la mémoire et de la conscience historique,sur les liens entre les jeunes et le passé et comment ce passé forge leur identité et leur vision d’avenir.Enfin,c’est une formule familière à l’élève,utilisée en classe,qui fait appel aussi à la créativité et à la spontanéité?David Carr.Time,narrative,and history.Bloomington:Indiana University Press,1986,p.189 ; Bogumil Jewsiewicki and Jocelyn Létourneau.L’histoire en partage,Usages et mises en discours du passé.Paris:l’Harmattan,1996,p.232 ; Johann Michel.?Narrativité,narration,narratologie:du concept ricoeurien d’identité narrative aux sciences sociales?.Revue européenne des sciences sociales,n°125,2003,p.125-142 ; Fran?oise Lantheaume et Jocelyn Létourneau (dir.).Le récit du commun:l’histoire nationale racontée par les élèves.Lyon:Presses universitaires de Lyon,2016,p.240..
Nous avons choisi de porter notre étude dans deux provinces.L’une,le Québec,où les francophones vivent dans un environnement nettement majoritaire.D’après le recensement de 2016,79 % de la population a le fran?ais comme langue maternelle,tandis que 82,5 % parlent le fran?ais à la maison.C’est la seule province majoritairement francophone du Canada,où se concentrent 85 % des francophones du pays.Nous comparons les résultats obtenus au Québec avec l’Ontario,où une population de plus d’un demi-million de personnes qui ont pour la langue maternelle le fran?ais et représentent 4 % de la population de cette province.C’est la plus importante communauté francophone à l’extérieur du Québec.Plus de la moitié des francophones hors Québec habitent cette province?Recensement en bref,Le fran?ais,l’anglais et les minorités de langue officielle au Canada,Recensement de la population,2016,p.12.Statistiques Canada,No.98-200-X2016011 au catalogue ISBN 978-0-660-09118-1.Ao?t 2017..
Au cours de l’année 2016,notre groupe de recherche a visité sept écoles francophones de la majorité au Québec et six de la minorité en Ontario pour leur demander d’écrire un récit en répondant à la question suivante:?Raconte-moi l’histoire des francophones au pays comme tu la connais.? Ils pouvaient écrire un récit sans limite de longueur,de structure ou de contenu.Notre projet s’appuyait sur une méthodologie éprouvée,élaborée par Jocelyn Létourneau de l’Université Laval,amendée et testée dans la région d’Ottawa en 2013 par Stéphane Lévesque et Jean-Philippe Croteau et qui met en relation le récit et la mémoire des jeunes avec des questions identitaires?Voir l’?uvre pionnière de Jocelyn Létourneau:Jocelyn Létourneau et Sabrina Moisan.?Mémoire et récit de l’aventure historique du Québec chez les jeunes Québécois d’héritage canadien-fran?ais:coup de sonde,amorce d’analyse des résultats,questionnements?.The Canadian HistoricalReview,vol.84,n°2,2004,p.325-356 ; Jocelyn Létourneau et Christophe Caritey.?L’histoire du Québec racontée par les élèves de 4e et 5e secondaire,L’impact apparent du cours d’histoire nationale dans la structuration d’une mémoire historique collective chez les jeunes Québécois?.Revue d’histoire de l’Amérique fran?aise,vol.62,n°1,2008,p.69-93 ; Jocelyn Létourneau.Je me souviens? Le passé du Québec dans la conscience de sa jeunesse.Québec:Fides,2014,p.253.Sur les francophones de l’Université d’Ottawa ; Stéphane Lévesque,Jean-Philippe Croteau,Rapha?l Gani.?Conscience historique des jeunes francophones d’Ottawa:sentiment d’appartenance franco-ontarienne et récit du passé?.Revue du Nouvel-Ontario,N°40,2015,p.177-229 ; Stéphane Lévesque,Jean-Philippe Croteau,Rapha?l Gani.?La conscience historique de jeunes franco-ontariens d’Ottawa:histoire et sentiment d’appartenance?.Revue d’histoire de l’éducation,vol.27,n°2,2015,p.21-47..
Ce projet d’étude visait tout particulièrement les jeunes francophones du Québec et de l’Ontario de niveau secondaire ayant complété leur cheminement scolaire obligatoire en histoire nationale,soit en 11e-12e année (ou secondaires IV-V).Nous avons utilisé un échantillon de convenance provenant de diverses régions du Québec et de l’Ontario de manière à bien représenter la diversité de la jeunesse québécoise et franco-ontarienne.Ainsi,nous avons recueilli 385 récits pour le Québec et 250 récits pour l’Ontario,pour un total de 635 récits.
Les données de l’étude tirées du questionnaire ont été transcrites à l’ordinateur,codées à l’aide d’un logiciel spécialisé en méthodes mixtes (QDA Miner) et interprétées grace à des outils d’analyse qualitative et quantitative.Les résultats de l’étude ont permis d’offrir un portrait analytique des divers usages du passé (en termes de faits,évènements,personnages) ainsi que des orientations narratives (visions narratives du passé vers le présent et l’avenir possible) et géographiques (lieux où se situent les récits) des jeunes participants québécois et franco-ontariens.Les résultats furent par la suite croisés avec des variables additionnelles telles que la région géographique du participant,le genre,la langue et le sentiment d’appartenance identitaire.Ces croisements ont démontré l’impact réel de l’identité sur les usages du passé et sur la mobilisation des savoirs pour structurer une vision narrative.
La conscience historique se structure selon une vision du passé qui prend la forme d’un récit.à travers le récit,les jeunes puisent dans un registre mémoriel pour interroger le présent et réfléchir sur l’avenir de leur collectivité.Situer le parcours de leur collectivité dans le temps et en posant les jalons d’une continuité historique leur permet en même temps de se forger une identité et de définir leur place au sein de la société.L’orientation du récit renvoie donc autant aux visions du passé véhiculées par les jeunes que celles de l’avenir.Ces grandes orientations narratives-que l’on pourrait qualifier à l’instar des travaux de James Wertsch de schémas interprétatifs (narrative templates)-mettent en lumière différentes visions de l’expérience historique des francophones au pays.?James Wertsch.?Collective Memory and Narrative Templates?.Social Research:An International Quarterly,Volume 75,No 1,Spring 2008,p.133-156.Ces visions en disent long sur l’appréciation et le sens que les jeunes narrateurs se font de l’histoire des francophones.Enfin,les orientations narratives ont été définies en fonction des grands courants historiographiques de l’histoire canadienne et évaluées selon la fréquence des informations fournies,mais aussi selon le ?message d’intention? ou de significations narratives (au sujet des différentes catégories narratives des récits,voir tableau 2).
Cet exercice de mise en récit n’est pas banal ou déconnecté de sens pour l’apprentissage de l’histoire nationale en contexte scolaire.Vivant dans une société francophone en Amérique,les jeunes québécois et francoontariens (tout comme les adultes d’ailleurs) sont amenés régulièrement à réfléchir sur le sens global à donner à l’expérience historique des citoyens de langue fran?aise au pays.Ce fut notamment le cas lors des célébrations entourant le 400eanniversaire de la fondation de Québec en 2008 et du 400eanniversaire de la présence fran?aise en Ontario en 2015.à bien des égards,il est nécessaire pour un francophone du Canada,notamment pour un Franco-ontarien en situation de minorité linguistique au sein même de sa province,de se positionner par rapport au parcours historique de cette collectivité pour ainsi tracer les contours de son origine et le dessein de son avenir.Il n’est donc pas surprenant que l’histoire enseignée dans les écoles de langues fran?aise du Québec et de l’Ontario,bien que distincte et régie par des autorités provinciales séparées,met l’accent sur l’expérience historique des Canadiens fran?ais et favorise le développement d’un sentiment d’appartenance envers la communauté de langue fran?aise (Québec,Ontario fran?ais).Notre exercice est donc tout à fait pertinent et digne d’intérêt.
Tableau 1 Les orientations narratives des récits
Orientations narratives Définitions Vision du passé (re) présentant des évènements ou des faits détachés de l’expérience francophone qui prend la forme souvent d’une énumération chronologique et factuelle sans référence particulière au groupement francophone.Présente l’ignorance ou l’indifférence face à la question posée.S’avoue vaincu par la tache de mettre en récit l’histoire des francophones.Inclassable Récit trop incohérent ou non pertinent pour être classé dans une catégorie narrative.Neutre
La grande majorité des participants,tant en Ontario qu’au Québec,répondent à la question ?Racontemoi l’histoire des francophones au pays comme tu la connais? en choisissant d’écrire le récit deL’expérience francophone.Celui-ci privilégie un récit de l’expérience historique des francophones,leurs origines,leurs luttes politiques et culturelles et leurs perspectives d’avenir.Plus des quatre cinquièmes (82 %) des élèves ontariens et les trois quarts (75 %) des élèves québécois placent l’expérience historique francophone au centre de leur récit (figure 1 et 2).Il existe des récits concurrents privilégiés par un cinquième et un quart de notre échantillon franco-ontarien et québécois,mais qui ne feront pas l’objet d’une analyse dans cet article.
Le récit de L’expérience francophone n’est pas homogène et les jeunes offrent une variété d’interprétations de leur passé passant de la foi la plus optimiste au pessimisme le plus sombre.C’est pour cette raison que nous avons subdivisé cette catégorie en quatre orientations:L’affirmation,L’adversité,La présence et La défaite (voir figure 3).Notre analyse montre que les élèves de l’Ontario et du Québec partagent la même vision du passé,c’est-à-dire une histoire caractérisée par les luttes et l’adversité.Ce concept de lutte représente le fil conducteur entre le passé qui est interrogé et mobilisé et l’avenir qui constitue un horizon d’attente.Toutefois,la description et l’interprétation que les élèves font de ces luttes varient beaucoup de l’un à l’autre.Lorsque les résultats du récit de L’expérience francophone sont isolés et divisés selon les sous-catégories,nous pouvons observer que la trame interprétative des élèves se caractérise surtout par une perspective mitigée (L’adversité) ou neutre (La présence),tandis qu’une minorité d’entre eux privilégie une narration tant?t positive (L’affirmation) tant?t négative (La défaite) (voir figure 3).
L’affirmation est retenue par 16 % des élèves franco-ontariens et 10 % des jeunes québécois qui ont choisi de raconter L’expérience francophone.Ce récit con?oit l’histoire des francophones comme une épopée remplie d’épreuves,mais qui s’est soldée par une victoire finale,alors que l’avenir du fran?ais au pays est assuré.Pour les auteurs de ce type de récit,les francophones peuvent regarder leur passé avec fierté et entrevoir leur avenir avec confiance.Les Franco-ontariens se montrent en proportion plus optimistes que leurs camarades québécois.L’existence d’écoles de langue fran?aise,les services gouvernementaux bilingues du gouvernement fédéral et provincial et,dans une certaine mesure,la victoire pour la préservation de l’H?pital Montfort constituent une forme de ?fin de l’histoire? qui assure désormais la sécurité culturelle des francophones en Ontario.Au Québec,ce sont les luttes pour la résistance face à la domination britannique ou anglaise ou les progrès récents en matière politique et sociale (lutte contre le Rapport Durham et l’unification des Canada,la Révolution tranquille,la loi 101) qui semblent offrir à certains une vision positive de l’histoire des francophones comme dans cette citation?Les citations des élèves ont été conservées dans leur version originale en gardant les erreurs d’orthographe,de grammaire et de syntaxe pour préserver l’esprit et l’intention de l’extrait choisi.:
Les Québécois n’ont pas été assimilés par les Anglais malgré ce que les anglophones voulaient faire.On les privait même de leur religion et disait que le fran?ais était une langue sale.On nous a même traité‘d’imbécile’ lors du Rapport Durham ?.Mais,nous les Québécois fran?ais avons résisté,survécu à cette tentative d’assimilation.Nous nous sommes fait forts et même que nous nous sommes rebellés.Tout ?a pour la protection de note propre culture.Toutes ces personnes qui se sont battus pour garder tout ce qui nous appartenait.Il ne faut jamais abandonner cette culture riche et forte pour une autre qui doit l’être autant,mais pour d’autres.(105A16-Outaouais)
à l’opposé du spectre,La défaite fait appel à un récit dépresseur et à un discours victimal ponctués des défaites des francophones face à l’?Anglais? qui prend souvent la forme d’une figure oppressive.Les perspectives d’avenir sont rarement optimistes.La cause des francophones étant perdue d’avance,l’auteur de ce type de récit se montre le plus souvent fataliste croyant à l’inéluctabilité de la disparition du fait fran?ais au pays.C’est un récit assez marginal (4 % des récits en Ontario) et qui est plus populaire au Québec (7 % des récits).Il s’agit d’un étrange paradoxe.Même si les francophones sont minoritaires en Ontario et ne bénéficient pas des mêmes ressources institutionnelles et culturelles que des Québécois,ils véhiculent une vision du passé plus favorable et con?oivent les perspectives d’avenir de leur culture meilleures qu’au Québec.
Il reste que cette interprétation du passé propose une vision de l’histoire au caractère assez tragique:
Le premier vrai fondement de la francophonie arrive avec Samuel de Champlain et la fondation de Québec.La colonisation fran?aise se heurte à celle des Anglais,ce qui mène à une série de guerres et de conflits.La “Nouvelle-France’’ se fait de guerres et de conflits.La “Nouvelle-France’’ se fait céder/conquérir par les forces anglaises.Une majorité anglaise englobe le Canda et commence à étouffer la minorité fran?aise.Les résidents francophones se regroupent en petites communautés pour préserver leurs cultures.Pousser par une envie de pureté politique et religieuse la majorité anglaise essaie d’éradiquer la langue fran?aise de diverses fa?ons (règlement 17).(0112A17-Est)
Après un petit bout de chemin,les Anglais prennent possession de notre territoire.C’est le début de la fin.A partir de ce moment,nous sommes vus en minorité,et ils essaient de nous dominer,par la culture,la langue,les lois,etc.Nous sommes un peuple méprisé des Anglais qui nous voient comme une écharde dans une main.(GR0213-Québec)
Pour les tenants de cette interprétation,la Conquête appara?t comme une rupture qui a causé des dégats irrémédiables à la société francophone qui avant le changement de régime suivait son cours normal.Le nouveau régime inaugure lentement,mais s?rement,une longue descente vers la marginalisation politique,la dépossession économique et l’assimilation.Dans le récit de L’Affirmation,la Conquête est certes une rupture,mais la condition des francophones conna?t un progrès grace à leur volonté de résistance qui leur permet de remporter des victoires importantes et d’assurer leur devenir culturel.La défaite voit au contraire dans la Conquête le début d’une longue suite d’échecs collectifs confirmée par d’autres évènements successifs comme les rébellions de 1837-1838,l’Union des deux Canada,les échecs des référendums sur la souveraineté,le recul du fran?ais et la minorisation des francophones au pays.
Le système politique était inégal envers le Canada fran?ais,ce qui au fur et à mesure a mené aux rebellions des patriotes en 1837-38 pour préservé leurs droits.Les fran?ais n’ont jamais obtenu tout ce dont ils voulaient et encore aujourd’hui.(GR009-Montréal)
La grande majorité des élèves choisissent L’adversité,un récit ni positif ni négatif,mais nuancé.Ce type de récit re?oit la faveur de 64 % des élèves franco-ontariens et 57 % des élèves québécois.C’est un récit qui présente une vision de l’histoire des francophones remplie d’emb?ches et d’obstacles,mais constituée aussi de victoires remportées dans un contexte difficile.Toutefois,les gains demeurent fragiles et l’élève lance souvent un appel à la prudence et à la vigilance face à un avenir imprévisible.Cette citation d’un élève québécois rappelle que les francophones,malgré les difficultés,ont su conquérir la place qui leur revenait et que le combat se poursuit:
Le peuple francophone n’a jamais eu la tache très facile,puisque celui-ci est minoritaire,il se montre non-seulement moins “fort’’ face à son principal adversaire (le peuple anglophone) qui menace tout le temps de faire en sorte que la langue fran?aise disparaisse et que sa religion catholique en fasse autant.Ce petit peuple a toujours été la cible principale des autres peuples,mais malgré tout,celui-ci a toujours su garder sa place à travers ses multiples “confrontations’’.Prenons la révolution des Patriotes,l’Acte de Québec ou même les ultramontaniste,ces “événements’’ ont tous joué leur petit r?le qui a montré qu’on s’est “battu’’ pour obtenir les mêmes droits que les autres,qui auraient d? nous être attribués dès le début de manière égale et juste.Nous,en tant qu’anciens Fran?ais,nous avons le droit d’affirmer avec fierté que nous sommes un peuple qui a su s’affirmer et que malgré les inconvénients,nous poursuivront notre débat vers la réussite.(105A18-Outaouais)
La citation suivante d’un élève franco-ontarien correspond à un bilan mitigé.L’auteur reconna?t les gains obtenus par la minorité franco-ontarienne qui renforce le statut du fran?ais,mais la langue demeure tout de même en péril face à l’influence dominante de l’anglais qui amène les francophones à ne pas toujours utiliser leurs institutions et les services en fran?ais:
Aujourd’hui,même si le Canada est officiellement bilingue,la majorité des citoyens ne parlent pas le fran?ais.Les services gouvernementaux,tels que les écoles,les h?pitaux,et la police sont offerts en fran?ais,mais ils sont moins fréquents.Nous devons nous forcer beaucoup pour utiliser notre langue,parce que les médias sont souvent en anglais.Il est plus difficile de passer cette langue et cette culture aux prochaines générations parce que le monde qui nous entoure est majoritairement anglophone.(0211B04-Est)
Enfin,La présence francophone se veut un récit descriptif ou neutre sans orientation idéologique particulière qui présente les faits et les évènements exempts de parti pris et qui instrumentalise faiblement l’histoire pour se forger une identité.à noter que 24 % des élèves québécois et 16 % des élèves franco-ontariens ont recours au récit de La présence francophone.Pourquoi les élèves choisissent-ils ce type de récit ? Cela peut être de l’indifférence,un manque d’intérêt pour le sujet ou l’activité ou de l’ignorance.Comme cet étudiant franco-ontarien qui avoue sa méconnaissance du sujet tout en se prêtant de bonne grace à l’activité?Les citations des élèves ont été conservées dans leur version originale en gardant les erreurs d’orthographe,de grammaire et de syntaxe pour:
L’histoire des francophones au pays comme je la connais est qu’il y avait des autochtones,Jacques Cartier est arrivé au Canada,où les autochtones,il a changé leur religion,comment ils parlaient,et il a découvert le Canada,mais après les Anglais sont arrivés et les Anglais et Fran?ais sont allés en guerre car les Anglais ne voulait pas la langue fran?aise dans les écoles mais les Anglais ont gagné la guerre…Alors pas vraiment de souvenirs comment les Fran?ais ont fait pour que le Canada devienne franco-ontarien et comment les Fran?ais ont pu garder la langue fran?aise et la religion dans les écoles (011A20-Sud).
Ainsi,si la perspective ou le bilan peut varier d’un élève à l’autre compte tenu des subdivisions du récit de l’expérience francophone,la structure,elle,ne change guère.Elle comporte quatre thèmes principaux:la filiation fran?aise,le culte de la différence,l’importance de la lutte et le sentiment d’inachèvement et de fragilité.Ces thèmes constituent les n?uds interprétatifs du récit qui lui donne toute sa cohérence.
Figure 1 Orientation narrative des récits pour les élèves du Québec
Figure 2 Orientation narrative des récits pour les élèves de l’Ontario
Figure 3 Les subdivisions du récit de L’Expérience francophone
Pour les élèves du Québec et de l’Ontario,le début de l’histoire de leur collectivité commence avec la?découverte? du Canada par l’explorateur fran?ais Jacques Cartier et l’arrivée des immigrants fran?ais qui fondent une colonie fran?aise en Amérique.Les élèves commencent souvent leur texte par un récit des origines qui retrace la présence des francophones au pays et inscrit l’existence de collectivités francophones dans le présent en les rattachant à un projet de fondation,celui d’une grande colonie fran?aise en Amérique.Ainsi,pour cet élève du Québec,la fondation de la Nouvelle-France constitue le début d’une aventure collective qui se perpétue encore aujourd’hui:
En 1608,Samuel de Champlain est le premier Fran?ais à venir s’installer en Amérique.Il fonde la Nouvelle-France et la ville de Québec par le fait même.De plus en plus la Nouvelle-France va agrandir son territoire jusqu’à ce que les Anglais commencent à venir s’installer eux aussi en Amérique du Nord et vont commencer à faire la guerre aux Fran?ais,jusqu’à ce que les Anglais triomphent et s’emparent du territoire de la Nouvelle-France et elle devient petit à petit le Canada d’aujourd’hui.Les francophones ont d? se battre pour conserver leur langue et ils deviendront des canadiens fran?ais et ensuite des Québécois et aujourd’hui le fran?ais est encore la langue la plus parlée.(04B11-Québec)
Des différences peuvent être notées entre les élèves du Québec et de l’Ontario.Pour les élèves de l’Ontario,l’histoire de la colonie fran?aise vise à rappeler leurs origines et la genèse d’une communauté qui prend racine dans une histoire très ancienne de la province avec l’arrivée d’explorateurs et de missionnaires.Pour cet élève de l’Ontario,la colonisation fran?aise est à l’origine de la présence des francophones en Ontario:
Les Fran?ais voulaient établir un grand empire fran?ais donc ils se sont établis au Nord de l’Ontario jusqu’à l’Ouest.Ceci est pour cela qu’il y a des villes plus fran?aises au Nord (Cochrane,Timmins,Sudbury).Les Fran?ais sont restés dans la province qu’on appelle aujourd’hui le Québec.Ici près d’Ottawa nous sommes fran?ais grace à nos ancêtres fran?ais.(0110A01-Nord)
Pour les élèves québécois,l’histoire de la période coloniale vise aussi à décrire un age d’or caractérisé par un récit épique d’une expansion coloniale sur le continent avant la Conquête anglaise qui annonce leur minorisation et les luttes politiques pour la survie de leur langue et leur culture.La conquête britannique en 1763 appara?t comme un drame qui a freiné l’évolution naturelle d’une société et qui se retrouve désormais en marge de l’histoire.Cet élève du Québec argumente que la guerre de la Conquête a mis fin au caractère fran?ais du Canada qui,désormais,constitue une réalité seulement au Québec?Les citations des élèves ont été conservées dans leur version originale en gardant les erreurs d’orthographe,de grammaire et de syntaxe pour préserver l’esprit et l’intention de l’extrait choisi.:
Les premiers colons d’ici étaient francophones,le Canada de l’époque était un territoire fran?ais au complet jusqu’à ce que les Britanniques tentent de prendre le territoire et de le rendre anglophone,le Canada a été divisé en deux parties haut et bas canada,le bas-canada étant la partie francophone du pays.Il y eu aussi les patriotes qui se battaient pour leur culture ‘québécoise’ et la langue,ils voulaient aussi résister aux Anglais.Avec le temps,le bas-canada devint ce qu’est le Québec,la seule province francophone dans un pays anglophone.Pour protéger cette langue et la culture qui vient avec la loi 101 et 2 référendums.Il reste quelques communautés francophones dans d’autres provinces canadiennes mais le Québec reste la seule province supposée entièrement francophone.(GR0606-Montréal)
Ce récit des origines agit comme un instrument pour les élèves du Québec et de l’Ontario afin de montrer les racines de la différence avec le groupe majoritaire canadien-anglais et le parcours original de leur collectivité.L’histoire devient l’élément central pour démontrer comment ils sont différents des Canadiens de langue anglaise au pays:
Les Canadiens fran?ais sont les citoyens du Canada qui possèdent des origines fran?aises.Ils forment un groupe ethnique dont la plupart des ancêtres sont des colons qui sont arrivés dans la colonie de la Nouvelle-France.Avec les Acadiens,ils composent ainsi le groupe intégral dont les origines remontent à la colonie de la N.-F.Ils font partie des communautés fondatrices du Canada.(0211B12-Est)
L’histoire aux yeux de l’élève agit comme marqueur identitaire pour définir une culture,des valeurs et aussi des manières d’être qui les distinguent des autres Canadiens et qui en font un groupe original et différent.Parfois,l’élève n’hésite pas à professer la longévité et la persistance de sa culture,de sa langue et de ses spécificités:
Avec Jacques Cartier ils se sont établis et on partie cette culture.Maintenant,c’est important et ?a représente beaucoup en Ontario.(0210A04-Est)
Pourquoi les Québécois parlent encore le fran?ais ? Parce qu’ils ne veulent pas le Québec dépendant du Canada.Alors ils utilisent la langue et la culture pour distinguer les différences entre eux et les canadiennes.(0205A11-Outaouais)
La notion de lutte est centrale dans le récit des jeunes au Québec et en Ontario.Ils croient fermement dans l’idée que leur histoire est un long combat pour la survie de leur culture et de leur langue contre la majorité anglophone qui cherche à les assimiler.Tout particulièrement pour les Québécois,la Conquête devient un tournant majeur de leur histoire et incarne sans doute le plus grand défi qu’ont d? relever les francophones.Si selon certains,le Québec a perdu sa capacité d’agir comme une collectivité autonome,pour d’autres,les francophones ont su laisser leurs marques vivantes encore aujourd’hui.Comme pour cet élève du Québec:
Les francophones au pays ont été très importants dans l’histoire du Québec et du monde entier.En effet,les francophones ont été importants dans plein de domaines,que ?a soit socioculturel ou dans le monde économique.Tous les francophones sont fiers de l’être et après ?a restera à tout jamais gravé dans notre mémoire.Les francophones et les Québécois ont tous déjà eu des difficultés,mais ont pu s’en sortir.Ils ont eu des problèmes au niveau politique,économique et pleins d’autres aspects non-mentionnés.Nous pouvons être fiers de ce que l’on est et de ce que l’on sera.(04B06-Québec)
Par la suite,la notion de combat est toujours présente.Elle est représentée par davantage d’évènements(Rébellions de 1837 et de 1838,crises de la conscription,Révolution tranquille,etc.),mais qui jouent tous la même fonction.Pour L’affirmation et L’adversité,il s’agit de montrer que le parcours de la collectivité est marqué par des épreuves qui ont été relevées avec succès et qui ajoutent une plus-value à cette même collectivité qui a su mériter l’inscription de sa différence dans le présent.Même si pour L’adversité francophone le danger de disparition n’est pas complètement écarté et qu’il faut redoubler de vigilance.
Le c?ur du récit des jeunes francophones en Ontario est la crise du Règlement 17 lorsque les francophones de l’Ontario ont lutté avec succès entre 1912 et 1927 contre un règlement du gouvernement provincial pour interdire l’enseignement du fran?ais dans les écoles.Cet évènement joue un r?le fondamental dans la construction identitaire des jeunes francophones de l’Ontario,tout comme la Conquête chez les jeunes québécois.La crise du Règlement 17 constitue l’acte de naissance de leur collectivité.Elle a permis à la collectivité francophone de l’Ontario de conquérir ses droits culturels par la lutte scolaire et d’acquérir le droit à l’existence comme communauté.Pour les élèves franco-ontariens,l’évènement fondateur de leur histoire est le Règlement 17 qui renvoie à un combat collectif toujours d’actualité.Le second évènement en importance,qui suit la même logique narrative,est celui de l’H?pital Montfort?Les citations des élèves ont été conservées dans leur version originale en gardant les erreurs d’orthographe,de grammaire et de syntaxe pour préserver l’esprit et l’intention de l’extrait choisi.:
Des francophones ont été persécutés parce qu’il étaient (et quand même sont) en minorité dans le pays.Je ne suis pas certaine combien d’années après,il y a eu la création du Règlement 17 par le ministère de l’éducation.Cette loi interdisait que la langue fran?aise soit utilisée comme langue de communication et d’enseignement.Malgré ce fait,des enseignantes francophones ont continué d’enseigner en fran?ais et ont défendu leur droit.Quand la police est venu,elles ont barricadé la porte et les ont chassés (Gisèle Lalonde).Un évènement plus récent qui avait à faire avec les francophones est celle de l’h?pital Montfort.Des années passées ils ont voulu changer l’h?pital de francophone à anglophone.Mais les francophones se sont“battus’’ pour essayer de garder la seule h?pital francophone à Ottawa et cela a fonctionné.Pour conclure depuis longtemps les francophones essayent de garder / défendre leur place au Canada et cela continue même aujourd’hui.(0211B09-Est)
Fait intéressant,les jeunes récupèrent le récit du Règlement 17 pour expliquer leur présence dans la société ontarienne d’aujourd’hui,légitimer leurs revendications passées et futures pour une province bilingue et reconna?tre leur contribution à l’histoire de l’Ontario comme citoyens et comme collectivité comme dans cette citation?Les citations des élèves ont été conservées dans leur version originale en gardant les erreurs d’orthographe,de grammaire et de syntaxe pour préserver l’esprit et l’intention de l’extrait choisi.:
Lorsque on fête la fête du drapeau francophone,c’est ainsi la journée où qu’on remercie pour notre belle langue fran?aise.On porte du blanc et vert pour démonter notre joie comme étant un franco-ontarien.La francophonie est importante pour l’histoire du pays puisque la langue fran?aise on a d? se combattre pour qu’on ait le droit d’y parler et avoir des cours fran?ais et des écoles,h?pital etc.en fran?ais.(0111A6-Est)
Enfin,les récits de L’expérience francophone témoignent d’un sentiment d’inachèvement pour les collectivités francophones du Québec et de l’Ontario,ainsi que d’une vision d’un avenir incertain et fragile pour la culture et la langue fran?aise.Le récit se termine souvent par une conclusion qui rappelle le combat pour la survie de la langue et de la culture fran?aise comme perpétuelle et sans fin.
Les Québécois tout particulièrement décrivent une société inachevée qui a raté son rendez-vous avec l’histoire sans avoir réussi à devenir une nation francophone souveraine.Une collectivité qui se situe en marge de l’histoire,dont le destin a été usurpé par la conquête anglaise et qui la prive de sa capacité d’agir en constituant une minorité au sein d’un Canada majoritairement anglophone.Cet élève raconte une histoire assez dramatique de la société québécoise qui pose un regard défaitiste sur l’avenir de sa collectivité:
Sans l’appui de la France,le Québec était trop faible pour lutter contre la puissance britannique et leurs loyalistes.Comme le montre les révolutions de 1837-38,prendre les armes ne fonctionnera pas et ils trouveront d’autre moyens de récupérer nos terres occupées par les anglophones.Après ces années,la menace anglophone se fera plus discrète mais quand même présente.Les Québécois relégués à de simples ouvriers vivant dans la pauvreté exploités par les patrons anglophones n’améliora pas les chances de survie de notre langue.Il faudrait que des politiciens comme René-Lévesque ou Jacques Parizeau interviennent pour essayer d’ouvrir les yeux à la population avec leurs référendums mais les résultats démontrent qu’il y avait encore du travail à faire.Encore aujourd’hui une minorité de la population se préoccupe de notre langue.Je suis certain que le slogan ‘Je me souviens’ n’est pas approprié.(GR0631-Québec)
Les élèves francophones de l’Ontario sans référer explicitement à la notion d’inachèvement décrivent une collectivité aux assises fragiles et à l’avenir incertain face à l’assimilation à l’anglais de la minorité malgré ses écoles de langue fran?aise et des services gouvernementaux en fran?ais.Cet élève se désole du recul du fran?ais au pays,ce qui ne l’empêche pas d’être fier de sa langue:
Je crois qu’au cours des années,le fran?ais au Canada diminue.C’est triste de voir.Cependant,il y a encore plusieurs personnes qui s’identifient selon le fran?ais et ils gardent la langue en vie.Je suis fière d’être francophone et d’être capable de parler cette langue.(112A02-Centre-Sud)
Ce sens de l’inachèvement et de la fragilité n’est bien s?r pas partagé par tous.Au contraire,d’autres,sans être nécessairement résolument optimistes,voient dans le parcours de leur collectivité matière à célébrer notamment lorsqu’ils regardent les gains obtenus et les victoires remportées par leur collectivité au cours de l’évolution récente.Les francophones de l’Ontario posent un regard tout particulièrement favorable sur leur passé récent sans doute parce qu’ils comptabilisent les avantages sur lesquels leur collectivité peut aujourd’hui s’appuyer en comparaison du siècle précédent:Au Québec,c’est un peu plus relaxe,étant une province francophone.Mais en Ontario,qui est une province anglophone,nous avons eu de la difficulté juste à garder notre seul h?pital francophone de l’Ontario,l’hopital Montfort,nous avons d? nous battre pour le garder.Maintenant nous pouvons trouver des francophones partout au Canada,dans l’Ontario,Manitoba,Alberta,etc.Nous avons fait un long chemin pour avoir notre liberté de langue,mais à cause de ces personnes braves et fières d’être francophones,nous sommes plus grands et fiers que jamais.?(110A16-Est)
En proportion,le discours des jeunes québécois est plus défaitiste,mais cela n’empêche la majorité d’entre eux d’avoir une conception favorable du passé de leur collectivité:
Plusieurs autres évènements comme les rébellions,les guerres mondiales et la guerre froide survinrent ce qui participa énormément à se définir comme la nation ?Québécoise? plut?t que ?Canadiens-fran?ais?.Tous ces évènements ont fait de nous qui nous sommes.Nous avons développé notre mode de pensée et notre identité québécoise grace à ce que nous avons vécu.(GR0233-Bois-Francs)
Les francophones du Québec et de l’Ontario ont une mémoire en partage même s’ils sont conscients d’appartenir à deux collectivités différentes.Le récit des origines reprend un moment commun,soit celui de la colonie fran?aise avant de conna?tre deux chemins différents.L’importance accordée au Règlement 17 par les francophones de l’Ontario,ignoré par les Québécois,est le meilleur exemple de cette divergence de mémoire.
Les francophones du Québec et de l’Ontario partagent aussi la même structure narrative de l’expérience historique,soit celui de l’adversité et du combat des francophones pour leurs droits et leur langue dans un pays anglo-dominant.Le moment fondateur de ce récit pour les Franco-ontariens est la crise du Règlement 17 et,dans une moindre mesure,la mobilisation populaire pour préserver l’H?pital Montfort.Pour les élèves québécois,leur histoire est un encha?nement de batailles,dont la Conquête représente un moment clé.Ainsi,il existe un avant et un après-Conquête qui structure leur récit et marque une rupture dans le schéma narratif.Le récit des Franco-ontariens comporte moins de références à des évènements historiques que leurs camarades québécois.Ils misent plut?t sur la crise du Règlement 17 qu’ils exploitent comme un évènement fondateur ou catalyseur de l’histoire de leur collectivité.Ce faisant,cette attention apportée au Règlement 17 reflète leur environnement.Cet évènement est en effet omniprésent dans les programmes scolaires et la culture franco-ontarienne.
La vision de ce que réserve l’avenir de leur collectivité est somme toute similaire pour les francophones.Elle peut être optimiste,pessimiste,neutre ou tout simplement prudente et nuancée.Il n’y a pas de différences très marquées entre les francophones du Québec et de l’Ontario à ce sujet,sauf que les élèves franco-ontariens semblent un peu plus optimistes pour leur avenir.Il reste que c’est un étrange paradoxe de constater que la société majoritaire franco-québécoise semble éprouver davantage de craintes face à son avenir que la société minoritaire franco-ontarienne pourtant plus touchée,comme l’écrivent eux-mêmes les élèves,par les pressions culturelles et l’assimilation.Cela démontre que les récits des élèves ne se mesurent pas à l’aune de sources et de faits historiques établis en preuves,mais davantage en référence à des perceptions,des expériences,des représentations schématiques,des visions téléologiques et des mythistoires qui sont largement structurantes de leur conscience historique de jeunes citoyens francophones au pays.
Pour conclure,les élèves utilisent l’histoire comme un ?usefulpast? pour se forger une identité.En puisant dans le registre de la mémoire,ils se situent dans la continuité historique de leur collectivité et créent un horizon d’attente pour l’avenir.Autrement dit,ils utilisent le passé pour donner un sens à leur vie individuelle et définir leur engagement de futur citoyen au sein de leur collectivité.La mémoire du Canada fran?ais,loin d’être dépassée ou archa?que,constitue encore et toujours un espace mémoriel partageable et partagé entre les francophones du pays à laquelle ils ont recours pour se définir dans un cadre espace-temps et ce,malgré les différences qui les séparent,fa?onnées par leurs milieux socioculturels respectifs.
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