par Cheikh Thiam
Il y a une décennie, le Sénégal renouait ses relations diplomatiques avec la Chine. Depuis,leur coopération a connu un bond fabuleux,notamment dans le domaine médiatique,qui pourrait servir d’exemple pertinent en Afrique
Le journaliste sénégalais Aly Diouf à Xiamen pour couvrir le sommet des BRICS de 2017.
En quelques années seulement, la Chine s’est hissée au premier rang des partenaires commerciaux du Sénégal avec un volume d’échanges commerciaux de deux milliards de dollars sur les dix premiers mois de 2016, alors qu’elle occupait la 24eplace en 2012. Ce regain de vitalité dans la coopération entre les deux pays est le fait d’une volonté politique affirmée au niveau des deux pays partenaires. Cette coopération se bonifie certes chaque jour. Mais, il est indéniable que pour mieux s’apprécier, les deux partenaires doivent bien se connaitre et asseoir une confiance réciproque, notamment quand il s’agit de peuples aux cultures différentes.Et pour ce faire, les médias ont un r?le important à jouer dans l’approfondissement des relations d’amitié et de partenariat entre la Chine et l’Afrique.
Au retour d’un séjour d’une année à Beijing, Modou Mamoune Faye, ancien coordonnateur général des rédactions du quotidien sénégalais Le Soleil, partageait avec nous son admiration pour la presse chinoise qui s’est diversifiée, anticipant la situation de crise dans laquelle bon nombre d’entreprises de presse occidentales sont aujourd’hui enlisées du fait de la concurrence acharnée de l’internet et des réseaux sociaux. Cette stratégie de diversification rentable leur a permis de renforcer financièrement leurs groupes respectifs. Ce séjour d’une année à Beijing de l’ancien patron du quotidien Le Soleil avait été rendu possible grace à une coopération avec la Chine, offrant à une dizaine de grands journalistes africains un séjour enrichissant. Deux ans plus tard, Aly Diouf, aussi du quotidien Le Soleil, a vécu la même expérience.
Cheikh Thiam.
Certains analystes occidentaux sont même allés jusqu’à évoquer un ? nouveau colonialisme chinois en Afrique ?. La presse occidentale s’est fait le portevoix de ces attaques, oubliant de relever que la coopération entre la Chine et l’Afrique a permis des réalisations que le continent n’a pas obtenues sur 50 ans avec l’Europe et les états-Unis.
Ces expériences vécues de journalistes sénégalais ayant séjourné à Beijing leur ont permis de suivre l’évolution des relations entre la Chine et les pays africains, dont le volume des échanges a connu un boom extraordinaire avec à la clé, des investissements chinois colossaux, notamment dans le secteur des infrastructures. Les investissements chinois en Afrique ayant littéralement explosé, cette présence sur le continent noir n’a pas échappé aux critiques des médias occidentaux, relayant les propos de dirigeants européens et américains que cette dynamique coopération nouvelle semble déranger.
Que n’a-t-on pas entendu sur la présence de la Chine en Afrique ? Certains analystes occidentaux sont même allés jusqu’à évoquer un ? nouveau colonialisme chinois en Afrique ?. La presse occidentale s’est fait le porte-voix de ces attaques, oubliant de relever que la coopération entre la Chine et l’Afrique a permis des réalisations que le continent n’a pas obtenues sur 50 ans avec l’Europe et les états-Unis. Pour s’en convaincre, il suffit de lire la presse occidentale sur le traitement de l’information en provenance de la Chine.
Si en Chine, les médias sont principalement détenus par l’état, avec des groupes bien structurés, dotés de puissants moyens financiers, la crise mondiale de la presse ne les affecte pas. Grace aux économies d’échelle, les tirages des journaux chinois dépassent le plus souvent le million d’exemplaires, avec une manne publicitaire importante.
En Afrique par contre, les entreprises de presse sont souvent des entités dirigées par d’anciens journalistes reconvertis en patrons de presse. Les médias les plus stables sont des entreprises publiques d’état, partiellement financées par des ressources publiques.
Pour surmonter la crise mondiale des médias à laquelle seuls semblent échapper les médias chinois, une coopération pragmatique est à imaginer et à mettre en ?uvre pour accompagner les entreprises de presse en Afrique qui, depuis le début des années 90, jouent sur le continent noir un r?le prépondérant dans la consolidation de la démocratie, l’approfondissement des libertés et la promotion du développement économique du continent.
Malheureusement, en Afrique, la taille trop faible des entreprises de presse et leur nombre pléthorique par pays ne militent pas pour une politique conséquente de relance des médias. C’est dans ce domaine spécifique de la presse et des médias que la coopération sino-africaine, plus particulièrement avec le Sénégal, que le partenariat devrait trouver une nouvelle dimension.
En vérité, la coopération devrait être axée sur plusieurs points : les échanges de contenus entre médias, les voyages d’études de patrons de presse et journalistes africains en Chine, le renforcement du statut de correspondants pour une durée d’au moins trois années à Beijing, et pourquoi pas, des prises de parts dans le capital des jeunes structures de presse africaines ou la mise en place de lignes de financement dédiées.
Sur l’échange de contenus, le plaidoyer du ministre M. El Hadj Hamidou Kassé, responsable de la communication à la Présidence du Sénégal, est éloquent. Il avait, lors d’un séminaire de partage organisé l’année dernière à Saly Portudal par l’ambassade de Chine au Sénégal, soutenu que ? l’échange de contenus devrait figurer en bonne place dans la coopération entre médias chinois et sénégalais ?. Sa conviction est que cette approche va renforcer la connaissance et cette confiance mutuelle et ? promouvoir des valeurs d’amitié, d’ouverture et de solidarité entre les deux pays ?.
Aujourd’hui, le niveau de partenariat doit trouver une nouvelle dimension, un pertinent dynamisme et d’autres créneaux à explorer. Déjà, l’édition fran?aise du magazine mensuel CHINAFRIQUE a impulsé une autre forme de partenariat avec le quotidien Le Soleil, consistant à imprimer ce journal au Sénégal. C’est une expérience mutuellement bénéfique à l’image de celle toute semblable réalisée par son édition anglaise en Afrique du Sud.
Dans un monde en perpétuel bouleversement, il est impératif pour les médias africains de s’inspirer d’un modèle chinois fort rentable et qui a su se moderniser et s’adapter à un environnement difficile. S’adapter ou disparaitre, voilà l’enseignement à tirer du modèle des médias en Chine, dont la coopération dans ce domaine pourrait être mutuellement bénéfique. CA